le tigre blanc
Acheté un peu au hasard, car
j'adore la littérature indienne et voilà longtemps que je n'en avais
pas lue. Et puis, ce "Loué, vraiment, soit ce petit chef-d'œuvre…"
(Philippe Trétiak, Elle) inscrit sur la quatrième de couverture m'a
intriguée.
Je ne parlerais pas de chef-d'œuvre, mais d'un roman instructif et fascinant pour qui s'intéresse à l'Inde et au
fonctionnement de sa société. Le narrateur est issu des "Ténèbres", le
monde des très pauvres. Il a grandi dans un village misérable, où de
riches propriétaires terriens exploitent à mort les paysans. Ceux qui
sont censés les protéger, de l'instituteur, à la police en passant par
les médecins, sont corrompus et n'assurent pas leur mission. Une mère
morte il y a longtemps, un père rickshaw décédé de la tuberculose
faute des soins les plus élémentaires. Un destin de quasi-esclave
attendait notre jeune narrateur. Mais Balram décide d'y échapper et va
devenir un riche entrepreneur. C'est cette histoire qu'il nous raconte,
de son enfance à son succès. Il mêle à son récit des réflexions et
analyses sur le fonctionnement de son pays dont il décortique les rouage
Il
explique, par exemple, que le système de castes qui offrait à chacun
une place, même basse, et une utilité dans la société, a disparu le 15
août 1947, jour du départ des Anglais. Et ce jour-là, "les cages
furent ouvertes. Les animaux s'entr'attaquèrent et se dépecèrent, et la
loi de la jungle remplaça celle du zoo. Les plus féroces, les plus
affamés, dévorèrent les autres et prirent du ventre. Désormais peu
importait que vous fussiez une femme, un musulman ou un intouchable.
Quiconque ayant un gros ventre pouvait s'élever."
Il compare l'Inde à une "cage à poules" dans
laquelle "99,9% des Indiens sont emprisonnés" : "Ici, une poignée
d'hommes a entraîné les 99,9% restants-forts,talentueux et intelligents
dans tous les domaines- à vivre dans une servitude perpétuelle; une
servitude si forte que, si vous mettez la clé de son émancipation dans
la main de quelqu'un, il vous la jettera à la figure en vous maudissant"
Il
décrit un pays dirigé à tous les niveaux, par des gens corrompus. Un
pays qui ne laisse aucune chance à ses habitants. La quasi impossibilité pour
qui naît pauvre de changer de statut. L'absence de tout espoir. Sa
description de l'Inde fait froid dans le dos.
Le tigre blanc, d'Aravind Adiga, 10/18