Illégal
Demain c'est mercredi. Et s'il y a un film à ne pas laisser passer cette semaine, c'est celui-ci. Tania (épatante Anne Coessens ), Russe, vit en Belgique depuis huit ans avec son fils Ivan, 14 ans. Elle a un appartement, un travail, un salaire, une place au collège pour son enfant. Mais pas de papiers. Totalement intégrés, la mère et le fils parlent parfaitement le français, participent à l'économie du pays. Mais on ne veut pas d'eux en Belgique. Un jour Tania est arrêtée. Elle hurle à son enfant de s'enfuir. Commence pour elle le parcours horrible des "sans-papiers". Le centre de rétention, l'humiliation des fouilles, les interrogatoires de la police, l'incertitude et les infos qui tombent au compte-goutte, sans prévenir. Tania sait que sans son identité, on ne peut l'expulser et qu'au bout de cinq mois, on la laissera partir. Mais tous les moyens sont bons pour faire parler les "clandestins" : menaces, pressions…
Le réalisateur a enquêté plusieurs mois avec un journaliste et un conseiller juridique de la ligue des droits de l'homme avant de réaliser ce long-métrage. Il a fait le choix de la fiction plutôt que du documentaire, mais son film est criant de vérité et de réalisme.
Tout est subtilement suggéré sans lourdeur ni pathos. Dans la première partie du film, par exemple, il fait admirablement ressentir la difficulté et les sacrifices de la vie d'un clandestin, qui pourtant, de l'extérieur, peut paraître quasi normale. On ressent la peur obsédante de cette femme d'être contrôlée et arrêtée : elle s'oblige et oblige son fils à ne pas parler russe, renonce à toute vie amoureuse, vit sous la coupe d'un mafieux qui lui loue son appartement, ne peut se permettre d'inviter des copains de son fils chez elle…
Puis, dans la seconde partie, terrible, on est plongé dans ce centre de rétention administrative où les conditions de vie sont celles d'une prison : confort réduit au minimum, bouffe immonde, temps de douche limité, corvées de ménage pour avoir de quoi se payer une carte de téléphone, sorties à heures fixes dans la cour. Au milieu de ces murs vivent aussi des enfants. Ce qui fait la force de ce film, c'est son absence de manichéisme. Il y a des "gentils", comme cette gardienne, mère célibataire, qui n'a pas trouvé d'autre job que celui-là et se montre pleine de compassion pour les détenues.
Ce film met en avant l'absurdité et l'inhumanité d'un système. L'acharnement, l'énergie (et même le coût financier ) déployés pour renvoyer ces victimes ayant refait leur vie loin d'un pays où elles sont en danger, est ahurissant.
Un film d'une grande violence psychologique.
Illégal, d'Olivier Masset-Depasse. Sortie le 13 octobre.